18 octobre 2012

Toujours continuer


J'ai trouvé l'autre jour la raison de ma venue au monde.

Je devais mourir. C'était aussi simple que ça.

Je l'ai vue un soir, cette femme. Elle était mince, si mince. Ses yeux étaient grands, aussi grands que le monde. J'ai su que ce n'était pas n'importe qui. Certainement pas. Mais elle avait besoin d'un coup de main. Le plus tôt possible, tout de suite.

J'ai décidé de la suivre, elle qui ne faisait pas partie de ma nation. Et c'est ainsi que tout a commencé. C'est ainsi que tout s'est terminé.

Mon monde était détruit. Les peuples qui l'habitaient ne désirait rien d'autre que leur propre satisfaction. Il s'était éteint, le désir de faire de nos peuples une nation. Il était décédé, oublié, ce rêve d'harmonie et de paix.

Quand je l'ai vue la première fois, je lui ai demandé de me raconter son histoire.

- Je viens d'un pays en guerre, a-t-elle répondu simplement.

J'ai souri en disant :

- Tu ne trouves pas que ça revient au même, d'être ici?

- Pas vraiment, m'a-t-elle répondu. Et puis je crois que je peux, avec d'autres, changer le monde d'ici. Il n'y a pas encore de guerre dans ton pays. Ici, tout est possible. Chez moi, il était trop tard... Il faut laisser les blessures reposer.

Je l'ai déjà dit. Ce jour-là, j'ai été hypnotisée par ses lèvres et son regard empli de détermination. Comment faisait-elle? Je l'ai suivie à de nombreuses reprises. Elle fascinait et convainquait si facilement... J'ai cru que son rêve d'une nation solidaire pouvait exister. J'ai cru qu'avec son visage enjôleur, elle pourrait enfin faire de ma désillusion un rêve. Elle pourrait sûrement convaincre quelqu'un de faire quelque chose, de nous sortir du marasme? Je ne me doutais pas qu'elle le ferait elle-même. Je ne me doutais pas que cela coûterait tant. Et pourtant je ne regrette rien.

Un jour, alors qu'elle faisait un discours, j'ai remarqué des mouvements étranges. J'étais son garde du corps. C'était bien futile dans son cas, car elle en avait d'autres beaucoup plus fort que moi. Elle m'avait supplié de ne rien faire, de ne pas me prendre pour ce que je n'étais pas.

- Tu es mon rêveur, m'avait-t-elle dit un jour en tapotant mes cheveux frisés. J'ai besoin de toi ici, avec moi.

Mais je ne voulais surtout pas qu'elle meurt. Pas à cause de moi. Pas à cause du futur que je représentais pour elle. Elle voulait pour moi le meilleur. J'étais si jeune pour être déjà mort, disait-elle souvent. Si jeune... Je ne le sentais pas. Il me semblait qu'elle en avait dix ans et moi trente. C'était le contraire.

Cette journée-là, j'ai vu ce qui allait se passer. C'était mon don. Je voyais l'avenir. J'étais né ainsi. Je me suis placé en travers du projectile. Je l'ai forcée à se rabattre sur le sol pendant que ses gardes du corps s'empressaient à ses côtés. J'ai pleuré, parce que je l'ai vu. Ce qui allait se passer. Dans les trente prochaines années, puis dans le prochain siècle.

- Merci, je lui ai soufflé en mourant, tu vas changer le monde.

Elle connaissait mon don. Je crois que, ce jour-là, elle s'est promis de toujours continuer.

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